Vendre Les Lauriers du pont du Gard : s’appuyer sur une gamme et une technicité pour s’imposer face à la concurrence
À quelques kilomètres de Nîmes, Les Lauriers du pont du Gard cultivent sur 9 ha une seule et même espèce, le Nerium oleander. Résister aux productions bon marché du Sud impose de toujours innover…
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Découvrir une production de lauriers-roses de 9 ha dans un paysage de garrigue composé de chênes verts et de pins d’Alep n’implique pas forcément de se trouver en Espagne ou en Italie ! Cela existe à quelques kilomètres de Nîmes (30), à Serhac, tout près du pont du Gard, où une entreprise a créé son nom en juxtaposant simplement son unique production, le laurier-rose, à celui du célèbre monument romain.
La question qui vient alors à l’esprit est de savoir comment s’imposer en France dans ce marché face aux capacités de production et surtout aux moindres coûts des pays du Sud, disposant d’atouts majeurs en termes de climat, notamment. Sans cacher les difficultés que cela représente et les écueils rencontrés par le passé, Olivier Faure, qui dirige aujourd’hui l’entreprise avec son épouse, Marie (lire les Repères), explique disposer de ressources afin de faire face.
C’est la gamme qui constitue l’une de ses forces. Avec pas loin de 120 variétés en collection, dont une centaine en culture, une performance récompensée il y a peu par un titre de collection nationale attribué par le CCVS (Conservatoire des collections végétales spécialisées), Les Lauriers du pont du Gard peuvent se vanter de proposer un catalogue d’une immense diversité capable de répondre aux exigences les plus pointues.
« Les Espagnols vendent une couleur, moi je vends une génétique », insiste Olivier Faure. C’est sûr, les amateurs pourront voir en magasin des plantes moins chères que celles qui sont nées et se sont développées ici. Mais à l’arrivée, la variété sera souvent gélive, de grand développement alors que le client souhaitait une variété naine ou compacte pour une terrasse, et la couleur promise sur le logo ne sera pas forcément celle des fleurs qui vont sortir au printemps… « Les gens sont parfois légèrement déçus, car les plantes poussent souvent trop et ils sont toujours en train de les tailler », estime le spécialiste.
Six variétés déposées cette année
L’entreprise française peut au contraire se targuer de décliner une grande diversité qui sera forcément adaptée aux contextes les plus variés. Avec une exigence qui s’impose de plus en plus alors que la surface des jardins est toujours plus petite et les plantes de plus en plus souvent installées sur une terrasse : acquérir un végétal qui reste compact. Si le catalogue comprend évidemment des variétés qui vont culminer à plus de deux mètres, d’autres promettent de ne pas dépasser le mètre à l’âge adulte. De quoi satisfaire des urbains en quête de couleur dans des micro-espaces.
Autre atout mis en avant par Les Lauriers du pont du Gard, leur capacité à proposer des variétés maison. Rien qu’en 2024, six ont été protégées, dont une à l’échelle européenne et cinq pour la France. Le coût de l’opération reste élevé, avoisinant les 5 000 euros. « Économiquement, ce n’est pas forcément intéressant, estime Olivier Faure, mais en termes d’image, ça l’est. »
Ainsi, il y a déjà des années, l’entreprise avait lancé la variété ‘Ville de Sernhac’, du nom du village dans lequel elle est installée. La variété est compacte et la fleur rose vif. Les Lauriers du pont du Gard sont aussi à l’origine de ‘Henri Cuers’, un saumon clair compact également, du patronyme d’un obtenteur de chrysanthèmes qui a aidé la famille Faure à se lancer dans le travail de sélection. ‘Antoine’ et ses fleurs en rondeur ou ‘Manon’, une variété très vigoureuse – car le marché demande encore des plantes de grand développement ! –, sont elles aussi issues de ce travail maison.
Ces efforts déployés aussi bien dans la sélection que dans la production doivent être mis en valeur. Chaque variété dispose de son chromo qui précise la dimension de la plante à l’état adulte, la vigueur, le type de floraison simple ou double, évidemment la couleur, etc. Ces chromos sont imprimés à l’expédition par l’entreprise elle-même, qui peut donc maîtriser les évolutions de gamme.
Une forte présence auprès des jardineries
Présente auprès de la plupart des chaînes de jardinerie, en exposant à la plupart des salons d’enseigne, mais aussi auprès des entreprises du paysage, Les Lauriers du pont du Gard vendent aux particuliers via le site internet. Mais cela ne représente qu’un chiffre d’affaires limité, et l’objectif n’est pas forcément d’en faire demain un fer de lance de l’activité. En revanche, des sites de vente en ligne font appel à leurs produits pour enrichir leurs disponibles, en France mais également à l’étranger. Ainsi, en Allemagne, un opérateur important achète pas moins de deux camions entiers de plantes chaque année pour les écouler de cette manière.
Enfin, le « made in France » favorise le succès des produits de l’entreprise, qui peuvent bénéficier en plus de circonstances particulières. Par exemple, beaucoup sont vendus en Corse. Les jardineries de l’île de beauté ne peuvent en effet plus se fournir en Italie en raison de la présence de la bactérie Xylella fastidiosa. En conséquence, une tournée commerciale réalisée là-bas il y a quelques années a permis de fidéliser une clientèle qui s’est révélée particulièrement fiable.
Des investissements réguliers
Rester concurrentiel impose par ailleurs des choix techniques. Même si chauffer en hors-gel les tunnels permettant d’hiverner les plantes n’est plus très utile, les hivers méditerranéens étant devenus généralement très cléments, l’entreprise peut rester maîtresse de son produit grâce à sa capacité à assurer sa propre multiplication avec un équipement Fog system, explique Olivier Faure. Le renouvellement des outils par l’achat de deux rempoteuse-mulcheuse-tailleuse permet aussi de garder une longueur d’avance.
Toutes les aires de culture sont au goutte-à-goutte pour éviter les pertes d’eau. Une nécessité dans le Sud, même si l’eau captée dans le Rhône, qui s’écoule non loin, canalisée pour alimenter les productions agricoles dans tout l’arc méditerranéen côté ouest, procure une ressource abordable. Celle-ci n’a d’ailleurs pas subi de restriction à l’occasion des derniers épisodes de sécheresse. Les cultures sont bordées de plantes sensibles aux pucerons, en particulier des artichauts et des plantes mellifères, afin de servir de réservoir d’auxiliaires, parmi lesquels des coccinelles et des chrysopes.
Enfin, l’entreprise poursuit son agrandissement, avec par exemple l’achat récent d’un site de maraîchage qui comprend deux serres photovoltaïques mais surtout un double système d’irrigation eau claire et fertirrigation, pour gérer au plus près l’alimentation des plantes.
Multiplication, production, commercialisation et gestion des chromos, « nous maîtrisons tout l’ensemble du processus », conclut Olivier Faure, qui regarde les évolutions du marché avec semble- t-il une certaine sérénité. « On prend des parts de marché aux Espagnols et aux Italiens ! » Une performance aujourd’hui !
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